A la porte de tes cheveux…

 

Ôsage signifie « tresse » en japonais. En français, ce néologisme vise à pointer le caractère audacieux auquel peut prétendre la porte.

Le cheveux est un sujet important de l’art nouveau, de l’art déco et de l’iconographie japonaise. Il est aussi l’objet de créations contemporaines qui me touchent particulièrement.

« Œuvres d’artistes femmes, féministes la plupart du temps, elles relèvent du questionnement sur le genre, le désir, la séduction, mais aussi l’essence même de l’être ; ce qui reste après notre disparition alors même qu’il peut être supprimé de notre vivant ; part intime et obscure du corps.
Le cheveu est au croisement de l’anthropologie, de la sociologie, de l’histoire ancienne et contemporaine du genre, de la mode et des catégories artistiques. Tour à tour parure, trophée, et relique, il est l’objet de fascination autant que de hantise et concentre à lui seul l’admiration et la répulsion. Il est choyé autant que sacrifié. Admiré et vengé. Coiffé, noué et dénoué… Support de séduction ou de rébellion…
Coupé, il devient preuve de transition ou d’absence. Dans tous les cas, les cheveux situent l’individu et son rapport à la norme sociale par différents agents prescripteurs. On le constate dans de nombreux rites de passages ou d’initiations, qui s’en « prennent » presque inévitablement aux cheveux. » (Source : Cheveux chéris, Frivolités et trophées, Ed. Actes Sud)
Toutes ces questions m’intéressent et font pour moi l’objet d’observation et de recherches chez mes contemporains et au travers des pratiques artistiques.
D’un point de vue technique, il est possible d’en intégrer dans le papier comme dans le verre. J’ai donc choisi de travailler un motif de tressage et d’emmêlement de cheveux et de les associer à un travail de sablage et de papier. Le graphisme du cercle central est une tresse déformée, animale, végétale, en mouvement… Dotée d’une puissance haptique si possible.
Les cheveux utilisés sont ceux de mon enfance, dont j’ai gardé la tresse… Teintés, décolorés, coiffés, tressés, noués… Il s’agit d’engager le corps dans la création et de questionner surtout cette engagement et ce qu’il crée chez le spectateur.

J’ai coloré ces cheveux en roux… pour la charge historique et de sens que porte cette couleur : magie, sorcellerie, séduction, « gène celte »… Pour des questions esthétiques aussi.
Quelques pièces, en d’infimes suggestions, ont aussi été pensées avec une insertion, entre deux verres de 2mm, de dentelle aux fuseaux fabriquée avec des cheveux. Cette technique artisanale de la dentelle est une pratique héritée à laquelle j’ai été formée jeune et que j’utilise depuis plusieurs années dans mes créations.
J’ai ici utilisé un « fond mariage » déformé, sorte de cannelure très fine. Au delà du choix esthétique de ce point, il y a évidemment un clin d’oeil, un choix sensible et philosophique (au sens questionnant), voire sociétal.

L’actualité présente, où la question du mariage est reposée dans ses fondements et où les ouvertures-fermetures sont encore sur ce point en suspens, est ici réactivée pour moi même et de manière plus sensible, plus profonde et persistante qu’une « actualité ».

On peut imaginer cette porte ouvrant sur une chambre nuptiale, ou sur un jardin caché. Un endroit intime quoiqu’il en soit, calme, serein, frai…

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